Overlord 44 Colissimo

Overlord est le nom de l’opération d’ouverture du front Ouest qu’attend le camp allié depuis 1942. Elle débute avec le débarquement en Normandie, le 6 juin 1944, et se poursuit par la bataille de Normandie. Overlord a entrainé une concentration extraordinaire d’hommes et de matériel, d’abord de part et d’autre de la Manche, puis en Normandie même jusqu’à l’exploitation de la percée américaine, à partir du 30 juillet 1944.

Ce site a pour but de retracer les grandes lignes de l’histoire de la libération de la Normandie à partir de la préparation de l’opération Overlord jusqu’à la fin de la poche de Falaise, le 20 août 1944, qui marque l’effondrement final des troupes allemandes dans tout le quart nord-ouest de la France, principales forces résistant à la poussée alliée vers Paris, puis le Reich. Overlord44 ne prétend pas être exhaustif, mais cherche à apporter la vision la plus claire possible à qui s’y intéresse des évènements qui, s’ils ont marqué la Normandie en 1944, ont un retentissement sur l’ensemble de la 2nde guerre mondiale, et même bien au-delà.

Bataille de Normandie

Perçue comme un piétinement par les civils comme par les militaires des deux bords, la Bataille de Normandie a été en réalité la cause et le début de l’effondrement du Reich à l’Ouest. Aussi ne faut-il pas voir uniquement le terrain gagné par les forces alliées en deux mois de combats, ni son éloignement géographique du Reich pour se rendre compte de l’importance de cette bataille. Ce sont deux armées allemandes et une bonne partie des divisions blindées d’élite qui disparaissent dans la bataille. Plus encore, c’est la clé de la libération de l’Europe de l’Ouest, car c’est à son issue que se produit la fulgurante avancée alliée en France. C’est donc le choc le plus rude entre l’Axe et les Alliés occidentaux. Les nombreux soldats alliés blessés et tués en Normandie sont bien plus qu’un symbolique sacrifice : ils ont été les tenants de la victoire contre le Reich, même s’ils ont subi les combats sans rien savoir de tout cela.

Le Jour J

Jour-J n’est pas seulement synonyme de débarquement, même s’il l’a été pour une part. Cela correspond aussi à des opérations navales, de parachutages, d’installation d’infrastructures et de combats à l’intérieur des terres. Par ailleurs, il apporte une réussite assez coûteuse aux Alliés, sans les sortir d’une situation de vulnérabilité. Enfin, il est le symbole d’un nouvel espoir, celui de la libération prochaine et à terme, de la fin de la guerre. Alors qu’il est vu comme une diversion par Hitler, le débarquement du 6 juin est considéré par la population française et par beaucoup d’Américains et de Britanniques, à l’extrême inverse, comme la garantie d’une victoire rapide. La vérité historique est « seulement » que le débarquement est le point de départ de longs et durs combats en Normandie, puis en France, en Belgique et dans le Reich lui même, jusqu’à la capitulation.

Le lancement

Après des mois de travail et d’attente, Overlord est lancé début juin dans le mauvais temps. Le lancement manque de mal tourner et d’éventer le secret de l’opération. Pourtant, le coup d’envoi est enfin donné le 5 juin. C’est une opération combinée d’une ampleur jamais vue et d’une grande complexité qui commence du départ des premiers convois des ports anglais au débarquement des soldats sur les plages.

Préparation

La préparation logistique d'envoi de colissimo de part et d’autre de la Manche a été cruciale dans le déroulement de l’opération Overlord, aussi bien côté allié qu’allemand. En Angleterre, les officiers du SHAEF mettent au point avec une remarquable minutie le plus grand débarquement de l’histoire. Pour son bon déroulement, les Alliés rassemblent une armada navale inégalée, s’emploient à résoudre d’imposants problèmes logistiques grâce à des moyens gigantesques et inédits et cachent aux Allemands l’immensité de la machine de guerre. Pendant ce temps, les Allemands tentent de prévoir le lieu, le moment et la stratégie d’un prochain débarquement sur les côtes françaises, tout en les fortifiant, souvent aussi de manière ingénieuse.

Deux commandements se suivent pour organiser l’opération Overlord : COSSAC, puis le SHAEF.

COSSAC, Chief Of Staff to Supreme Allied Commander (Chef d’état-major du commandement suprême des forces alliées), est créé après la rencontre Roosevelt-Churchill de Casablanca en janvier 1943 et confié au général Morgan. Après avoir installé son siège à Norfolk House à Londres, il commence à étudier avec des officiers Anglais et Américains les grandes lignes d’une offensive sur le front ouest et se fixe comme date limite le 1er mai 1944. Morgan détermine très tôt le lieu du débarquement en Normandie, mais n’obtient l’accord du QG des forces combinées qu’en juin 1943.

C’est la baie de Seine est choisie dès l’origine du projet comme lieu de débarquement car elle semble la moins défendue : les défenses du « mur de l’Atlantique » trouvent des appuis importants à Cherbourg et au Havre mais pas dans le fond de la baie. Les plages y sont larges et sableuses, les falaises beaucoup moins présentes qu’au Nord ou qu’en Bretagne. D’autre part, le lieu de débarquement doit être assez proche avant tout de l’Angleterre car la traversée de dizaines de milliers d’hommes pour l’assaut est risquée et implique une opération navale de telle envergure qu’elle ne peut rester très longtemps inaperçue des Allemands. De plus, les plages normandes sont à portée de la chasse alliée, élément indispensable au succès de l’opération.

Enfin, il est impératif que la région d’où doivent partir les troupes alliées soit la plus proche possible du Reich pour mettre rapidement fin à la guerre, sans que la force des défenses côtières rendent impossible l’opération de débarquement. Le seul problème que rencontre déjà COSSAC est celui des ports d’approvisionnement des troupes débarquées, Cherbourg étant trop défendu pour que l’on puisse y envisager un débarquement. C’est donc la solution du port artificiel, lancée par W.Churchill, qui est adoptée (voir partie sur les ports artificiels).

D’autre part, COSSAC a mis en place un plan de camouflage de l’opération Overlord à partir de septembre 1943: l’opération Fortitude. Son but est de créer le plus grand nombre de diversions pour retenir la plus grosse part des forces allemandes loin du véritable lieu de débarquement. En effet, les Alliés comptent sur la surprise pour assurer le succès d’une opération aussi délicate qu’un débarquement, d’autant plus qu’à une menace alliée répond la fortification des côtes françaises par les Allemands. Ainsi, pour mener à bien l’une des plus vastes opérations d’intoxication de la seconde guerre mondiale, les Alliés maintiennent la même densité de communications radio au sud-est de l’Angleterre qu’au sud-ouest, font parvenir de fausses informations aux services de contre-espionnage allemands. Une armée « fantôme », soi-disant sous la direction du général Patton, occupe le sud-est de l’Angleterre pour donner l’illusion d’une concentration de troupes et de matériel destinés à un débarquement sur les plages du Pas-de-Calais. Elle est en fait formée de vieilles péniches de débarquement, de véhicules gonflables ou en contre-plaqué ce qui suffit à tromper la faible surveillance des Allemands. Une soi-disante 4e armée stationne plus au Nord de l’Angleterre pour entretenir une menace ’elle aussi fictive- sur la Norvège. Enfin, les Alliés, en multipliant les opérations anti-sous-marines en Mer du Nord, donnent l’impression aux Allemands que le contrôle du Pas-de-Calais et donc de tout navire allemand pouvant l’atteindre est bien plus vital que la seule sécurité des côtes anglaises.

L’activité des ports du Sud de l’Angleterre est difficile à dissimuler ; néanmoins, les Allemands n’en connaissent que très mal l’ampleur, dans la mesure où les observations aériennes sont rendues très difficiles par l’hégémonie des chasseurs alliés au-dessus de l’Angleterre et de la Manche. D’autre part, seuls six médiocres agents secrets allemands ’dont aucun ne se trouve dans le sud du pays- envoient d’Angleterre des informations incomplètes et erronées. Enfin, à l’approche du jour-J, alors que la concentration d’hommes et de matériel devient gigantesque, les Alliés déploient un écran de fumée devant les ports du sud de l’Angleterre chaque soir. C’est seulement de cette façon que le secret du lieu de débarquement prévu reste incertain jusqu’au lancement de l’opération elle-même.

Se pose un problème d’un tout autre ordre avec l’arrivée des GI’s en Angleterre, à partir de juillet 1942 : la cohabitation entre soldats alliés, mais aussi avec la population anglaise pour qui l’établissement de camps militaires gigantesques dans le sud du pays (pour la majorité) perturbe la vie quotidienne. L’état-major américain fait des recommandations à ses soldats avant d’entrer en contact avec les « Tommies » et les civils anglais pour éviter des incidents diplomatiques et des conflits intérieurs aux forces alliées. On prévient les GI’s que leurs confrères britanniques sont des soldats compétents et bien entraînés, et s’ils sont un peu moins bien payés, le respect qui leur est dû doit rester égal à celui d’un soldat américain. De même les soldats britanniques sont prévenus, ainsi que la population, pour éviter surprises et méprises. L’entente entre soldats de différentes armées et les populations civiles est bonne, les incidents restent dans des proportions raisonnables et n’interfèrent pas dans les rapports entre soldats et civils. Le Sud de l’Angleterre et du Pays de Galles n’est alors qu’un immense camp militaire, qu’organise un réseau d’infrastructures vieillies, insuffisantes et rapidement engorgées. En mai 1944, y sont rassemblés 1.5 millions de soldats américains, 1.75 millions de britanniques, 150 000 des pays du Commonwealth et 40 000 des pays occupés ’soit près de trois millions et demi de soldats.

Les problèmes logistiques d’Overlord
Outre le secret difficile à garder, d’importants problèmes logistiques menacent le bon déroulement d’Overlord ; ils concernent avant tout le ravitaillement de la future tête de pont et la coordinations des opérations terrestres et navales. Overlord est d’abord une immense opération combinée : aviation, marine et armée de terre doivent collaborer étroitement. Cela pose la question du commandement des navires et des troupes par secteur : pour être efficace, il doit être unique. Sur une idée britannique, on nomme donc des responsables ou NOIC (Naval Officer In Charge) qui supervisent le débarquement par secteur. Leurs tâches sont très diverses : ils doivent organiser les mouvements de la flotte, envoyer les vagues d’assaut suivant la situation sur la plage, puis ravitailler les troupes, passer le commandement aux officiers de l’armée de terre lorsque la tête de pont s’étend dans l’arrière-pays et superviser la pose des « Gooseberries ».
Sous cette dénomination étrange se cache le début du problème des Alliés : il n’existe en Baie de Seine aucun port qui puisse permettre le renforcement de la tête de pont par l’arrivée de troupes fraîches, de matériel neuf, de ravitaillement, de munition et le retour des blessés. Le transit par débarquement sur les plages est trop hasardeux pour que l’on puisse s’y fier. Aussi, pour assurer le ravitaillement direct après le premier choc sur les plages, les Alliés prévoient de construire des « Gooseberries », plans d’eau abrités par des jetés brise-lames constitués de blocs de béton remorqués à travers la Manche, suivant la flotte d’invasion. A long terme, le problème est inchangé : les « gooseberries » ne peuvent être que provisoire, car aucun cargo ne peut approcher des côtes. D’après l’idée ancienne de Winston Churchill, appuyé par le brillant amiral Lord Louis Mountbatten (artisan du succès de l’évacuation de Dunkerque), le haut commandement allié imagine un port artificiel qui doit être construit sur les côtes normandes. Sur pontons coulissants qui suivent la marée, le port est abrité par des caissons en béton, eux aussi remorqués d’Angleterre, qui forment des jetées brise-lames résistantes. Tous les éléments sont construits dans ports du sud de l’Angleterre dans le plus grand secret. Le SHAEF choisit d’en construire deux : un premier sur le secteur d’Omaha, devant le village de St Laurent, et un second devant Arromanches-les-bains, sur Gold. Leur construction doit être entamée immédiatement après le jour-J.
Reste un dernier problème : l’approvisionnement en pétrole des milliers de véhicules alliés participant à Overlord une fois débarqués en Normandie. La traversée de la Manche par des tankers serait dangereuse, insuffisante et contribuerait à engorger encore davantage les ports artificiels. Le chef des opérations combinées, Lord Mountbatten, a donc demandé dès 1942 à l’Anglo-iranian oil company d’étudier un projet d’oléoduc sous-marin. Le défi technique est immense. La compagnie se met immédiatement au travail et réussit à mettre au point deux types d’oléoduc, tubes de 75mm de diamètre qui doivent être posés au fond de la Manche par des poseurs de câble de la poste transformés pour la circonstance, les « Perséphones ». Une flottille de ces navires doit se relayer pour relier un terminal situé dans le Devonshire à un point de la côte normande près de Cherbourg, une fois la zone libérée. Ce premier oléoduc sous-marin est baptisé PLUTO : Pipe-Line Under The Ocean.

L'accumulation du matériel
L'accumulation des chars et du matériel en Angleterre fut aussi un problème très important pour Overlord. De grandes zones du territoires britannique furent réquisitionnées pour la guerre.
De la préparation au lancement d’Overlord
Les succès de l’année 1943 viennent à bout des réticences des Américains à s’engager dans une vaste opération de débarquement en Europe. C’est pourquoi un nouvel organisme est formé en remplacement de COSSAC pour superviser plus précisément l’opération : le SHAEF, Supreme Headquater Allied Expedionnary Force (quartier général suprême des forces expéditionnaires alliées). Le général Dwigh David Eisenhower est nommé à sa tête le 25 décembre 1943 et prend ses fonctions le 15 janvier 1944. Il regroupe à son nouveau QG de Bushey Park à Londres un état-major brillant (voir organigramme), composé lui aussi d’officiers Américains et Anglais. Avec le SHAEF, l’opération Overlord prend plus d’importance : dès son arrivée, Montgomery porte le nombre de divisions d’assaut de trois à cinq. L’ampleur et la difficulté du type d’opération conduit le SHAEF à prévoir chaque phase et jusqu’aux plus petits secteurs d’Overlord. De la connaissance du terrain, qui doit se rapprocher le plus possible de celle des Allemands, dépend le succès du débarquement. Les Alliés disposent pour cela de photos aériennes d’ensemble de la côte et de prises de vue très précises effectuées en rase-mottes des défenses, y compris à l’intérieur des terres. Les photos aériennes de la côte normande sont même renouvelées chaque semaine pour enregistrer les modifications de la défense allemande. Des cartes détaillées de la région avec la disposition des forces allemandes leur sont fournies par la résistance. Tous les points névralgiques, les chenaux, les routes allant des plages à l’arrière-pays, les marais, les ponts et surtout les batteries et points d’appui allemands sont connus dans les moindres détails.
Le secteur le plus favorable défini par les Alliés se trouve entre l’Orne et la Vire, sur 80 km de côte. La zone de débarquement est découpée est cinq secteurs ; deux américains : Utah et Omaha ; deux britanniques : Gold et Sword ; et un canadien : Juno. Leurs correspondent des task forces. A cela vient s’ajouter l’assaut du 2e bataillon de rangers près d’Omaha visant à prendre le contrôle de la batterie de la pointe du Hoc. Le SHAEF se rend compte par ailleurs qu’à l’ouest et à l’est de la zone de débarquement se trouvent des marais inondables aux route sineuses qui pourrait empêcher la progression des forces d’invasion. Aussi, plusieurs opérations aéroportées sont nécessaires quelques heures avant le débarquement pour y prendre le contrôle des ponts, routes et écluses. Les officiers travaillent sur la maquette de leurs objectifs avant d’expliquer le plan de l’attaque à leurs hommes, mais sans savoir ou se situent les objectifs, les connaissant seulement sous des termes conventionnels, pour ne pas éventer le secret. Préparer de telles opérations mobilise des milliers d’officiers du SHAEF, dans une proportion énorme par rapport au nombre de soldats engagés.

L’objectif de la batterie antichar de Merville est un bon exemple d’opération minutieusement préparée : le site qui doit être pris par une unité aéroportée, est reconstituée en Ecosse pour que les soldats s’y entraînent. De même, la passerelle de Ouistreham sur laquelle doivent passer les commandos français est franchie plus d’une fois en exercice, en Angleterre. A cela vient aussi s’ajouter de nombreux exercices de débarquement sur les côtes d’Ecosse. Les man’uvres de débarquement à échelle d’une division sont menés à partir de décembre 1943. Le SHAEF modifie en fonction de la configuration changeante des plages normandes les exercices de débarquement : c’est le cas lorsque les Allemands posent, sur ordre de Rommel, des obstacles sur les plages. Ces répétitions ne sont pourtant pas exemptes d’incidents : un convoi de péniches à l’entraînement est attaqué par des U-Boats (vedettes rapides allemandes) dans la nuit du 27 au 28 avril 1944 : 640 soldats américains sont tués. L’évènement est caché aux soldats pour éviter les paniques et maintenir le moral des troupes. Néanmoins, il est clair que l’ampleur de la préparation de l’opération reste inconnue des Allemands. Par ailleurs, le SHAEF obtient le contrôle des forces aériennes qui comprennent des bombardiers de tous types. A partir de mars 1944, Eisenhower lance un plan de frappes dites d’interdiction dans tout le quart nord-ouest de la France : elles visent des gares de triage, des ponts, des n’uds routiers et des voies ferrées. De mai à août 1944, 70 000 tonnes de bombes sont lâchées sur ces objectifs, avec pour but d’isoler le futur champ de bataille en empêchant l’envoi des renforts allemands en Normandie. D’autres objectifs stratégiques au Sud de Paris reçoivent sur la même période 200 000 tonnes de bombes : ce sont des dépôts de munitions, des entrepôts de matériel ou des camps militaires. Le nombre de sorties des bombardiers culmine en mai 1944, avec 1300 bombardements effectués, dont 400 contre les gares. Ainsi, le trafic militaire allemand est réduit de moitié dans l’ouest français.

Infrastructure

Suite aux problèmes d’approvisionnement de la tête de pont posé par l’insuffisance de la taille des ports en Baie de Seine (exposés dans la partie « Préparation en Angleterre), le génie allié crée un port artificiel flottant d’après les plans de Winston Churchill. L’étude en est confiée à l’amiral Mountbatten. Les Alliés en construisent deux ; un premier à Arromanches (en secteur britannique, à l'Ouest de Gold Beach) et un second à St Laurent sur mer (en secteur américain, devant Omaha Beach).

Malheureusement, la violente tempête du 19 au 22 juin coule le port artificiel de St Laurent (Mulberry "A") et endommage sérieusement le port d’Arromanches (Mulberry "B"). Il est clair que la tête de pont est gravement en danger si ces ports ne sont pas reconstruits. Les Alliés décident d’abandonner le port de Saint Laurent trop sérieusement atteint, et en récupèrent des pièces pour réparer le port d'Arromanches. Ce dernier est donc remis en service, et reste finalement le seul port de débarquement allié jusqu'en novembre. Il devient ainsi le premier port mondial en terme de tonnage débarqué, durant le débarquement, tant la quantité d'hommes, de véhicules et de matériel est gigantesque. A cette période, Il manutentionne 20 000t par jour dont 7000t de marchandises par l’accueil de 280 navires.

Les « Mulberries » (de leur nom de code) font débarquer 34000 véhicules et 326 000 hommes seulement six jours après leur mise en service, 100 000 véhicules et 600 000 hommes pendant tout leur service. Le port d’Arromanches est essentiel jusqu'à la prise du port de Cherbourg. Il est rendu opérationnel le 19 juillet, date de la mise en service du ponton des LST et s’étend sur 8 km en face d’Arromanches, de St Côme de Fresne, du Hamel et d’Asnelles soit une superficie de 500 hectares.

La défense du port
Le port est le centre névralgique du débarquement. En effet, c'est grâce à lui que les alliés doivent pouvoir débarquer les hommes, les véhicules, le matériel et le ravitaillement nécessaire à une opération d'une telle ampleur. Si le port est perdu, l’invasion échoue immanquablement. Voilà pourquoi il est nécessaire de se protéger des éléments comme des ennemis.

Pour cela, les Phoenix sont surmontés d’une tourelle de DCA de 40mm « Bofors » qui fait partie d’un système de défense anti-aérien très vaste, composé de 600 pièces de DCA. Des ballons gonflés d'hydrogène tendent des câbles d'acier, empêchant des attaques en rase-mottes : les ailes d’éventuels raiders risquent de s’y prendre. Le port est en outre enveloppé d’un brouillard artificiel, créé par un mélange d'huile et d'essence que l'on fait brûler dans des bidons. Ce brouillard artificiel est déployé chaque soir et pendant toute la nuit entre le début de la construction du port et son abandon en novembre 1944. En effet, le port fonctionne 24h/24 et les lumières nécessaires à son fonctionnement sont visibles de très loin. Sans cette précaution indispensable, le port constitue une cible de choix pour la Luftwaffe, voilà pourquoi les Alliés doivent couvrir ces lumières.

Le fonctionnement du port artificiel
Le port artificiel d'Arromanches est constitué de trois jetées. La jetée Ouest doit débarquer les chars et les camions ; la jetée centrale (la plus importante), les hommes et le matériel ; enfin, la jetée Est, tous les types de véhicules (ambulances, jeeps, deux-roues, camions...).

Sur ces deux ports, 115 km de routes reposant sur des flotteurs en béton et en acier relient les plate-formes de débarquement aux plages. Elles sont à sens unique et limités à 60 km pour tous les véhicules. Deux autres routes flottantes relient le quai central à la rive : un ballet incessant de véhicules débarque le matériel des navires de transport à la côte. Pour les quais latéraux, en revanche, une seule route suffit : il n'y a pour eux qu'un seul sens de circulation, puisqu'il s'agit simplement de débarquer des véhicules.

Les pontons au centre du port coulissent sur des gigantesques pieux en métal d’une trentaine de mètres, ce qui permet de débarquer à toute heure, quelque soient les marées ; en effet, par le coulissement de la plate-forme le long du pieu, la hauteur entre le sol et la plate-forme s'adapte aux variations de marée. Les jetées flottantes ne font que suivre naturellement cette variation. C’est ainsi que le port peut fonctionner sans interruption de jour comme de nuit.

Un ponton
Un ponton du quai central de Mulberry "B", le port artificiel d'Arromanches. On peut remarquer que ce quai est comme sur "piloti", suivant la marée grâce à un coulissement sur les gigantesques pieux en acier.

Une route
Voici un tronçon de route flottante, sur lequel débarquèrent les véhicules alliés. Il supportait une quarantaine de tonnes : largement assez pour un sherman, mais beaucoup trop peu pour un tigre royal ! Large de trois mètres, cette route suffisait tout juste pour faire passer les tanks et les gros camions. On comprend aisément que la circulation se faisait en sens unique, sur ces routes !

Le système de brise-lames
Il faut, pour protéger les installations portuaires des outrages du vent et des marées, un système de brise-lames performant. Les lourds brise-lames se constituent de deux éléments principaux : les "caissons Phoenix" et les "Blockships".

Les caissons Phoenix sont d'énormes caissons creux en béton, ce qui leur permet de flotter malgré leur taille imposante. 215 caissons entre 7000t et 15000t furent remorqués à travers la Manche à partir du 9 juin et coulés devant les côtes normandes à leur emplacement prévu. 115 font environ 70m de long, 20 de haut et 15 de large - les tailles officielles sont d’ailleurs en pieds et en pouces. Pour les installer, on ouvre les vannes des compartiments qui se remplissent d’eau : la charge alourdit le caisson qui s’enfonce au deux tiers. Les caissons sont rattachés entre eux et au fond.

Viennent s’ajouter à ces brise-lames de vieux navires cédés par les diverses marines alliées, emplis de béton, qui sont de la même façon remorqués à travers la Manche à la suite de la flotte d’invasion puis sabordés et disposés en ligne (14 sont sabordés pour le port artificiel d'Arromanches, puis trois autres y sont ajoutés). Ils sont appelés « Blockships »Le Montcalm et le Georges-Leygues sont ainsi coulés. A l’extérieur du port, des lignes de brise-lames plus petits, en acier, les bombarons, protégent les caissons en béton.

Le 7 juin, la situation dans le secteur de Caen est bloquée : la journée se solde par l’échec des anglo-canadiens face à des unités panzer fraîchement arrivées sur le front et aguerries. Le matin à 8h45, la 185e brigade de la 3e DI britannique attaque la 21e Pz division qui s’est solidement retranchée dans le bois de Lébisey. Appuyés par des Panzer IV enterrés, les Allemands repoussent l’attaque et font même des prisonniers, immédiatement acheminés vers Caen. Tous les véhicules remorquant les canons ou transportant les soldats de la 185e brigade sont détruits au cours de la violente riposte allemande : une longue colonne de carcasses de véhicules s’étend sur la route Biéville-Caen sur un kilomètre de long.

Vers 17h00, le 7 juin, la 9e brigade de la 3e DI britannique attaque Cambes avec l’appui de 14 Sherman. Mais un bataillon de la 12e Panzer SS « Hitlerjugend » qui vient de remonter vers le front, retranché en profondeur devant et à l’intérieur du village, prend en embuscade les premiers éléments britanniques. Face à une telle résistance, l’attaque est ajournée.

Dans l’après-midi du 7 juin, la 6e brigade la 3e DI canadienne s’approche de la ligne de chemin de fer Bayeux-Caen et rencontre elle aussi une résistance bien palpable. De même, la 3e brigade parachutiste de la 6e airborne consolide ses positions devant le bois de Bavent face à la résistance agressive d’éléments du 736e régiment de panzergrenadiers.

colissimo

Dès son arrivée sur le front le 7 juin au matin, la 12e Pz SS a installé son PC à l’abbaye d’Ardennes, au nord-est de Caen. Les hautes tours de l’abbaye offrent un excellent poste d’observation dominant le champ de bataille. Kurt Meyer arrive le premier sur les lieux et contre-attaque avec son 26e régiment de grenadiers SS à partir de Buron et Authie. La 9e brigade canadienne qui lui fait face lui résiste grâce à l’appui de chars Sherman - notamment de Sherman « Firefly » avec leur redoutable canon de 76mm long. Néanmoins les pertes sont lourdes car la brigade enregistre le soir du 7 juin, la perte de 300 soldats (dont 100 prisonniers) et 36 blindés. La 12e Pz SS perd ce jour 6 panzers et près de 400 grenadiers. La division fait face le soir à la 9e brigade canadienne à Villons-les-Buissons, à la 185e brigade anglaise à Cambes et à la 7e brigade canadienne à Bretteville-l’Orgueilleuse, sur la route de Caen à Bayeux. Il est important de noter que la 12e Panzer SS « Hitlerjugend » est une des divisions d’élite de la waffen SS. Composée de jeunes fanatiques issus des jeunesses hitlériennes, la moyenne d’âge n’y dépasse pas 18 ans. Pendant la bataille de Caen, l’unité va faire preuve de combativité, d’acharnement, et à de multiples occasions, de cruauté.

La puissante division allemande lance des attaques contre la 7e brigade canadienne à Putot-en-Bessin, le long de la voie ferrée Caen-Bayeux mais elles sont toutes contenues. A l’est de ses positions, prend place la 3e Pz « Lehr » division à partir du 8 juin. Le « verrou blindé » interdisant Caen est posé, déjà tenu par des unités blindées expérimentées en nombre (voir carte). Cela oblige déjà l’Etat-major du 21e groupe d’armées à envisager une offensive pour prendre la ville, sans s’en remettre seulement à l’avancée des troupes débarquées le 6 juin.

L’intense activité offensive de la 12e pz SS les jours suivants montre que la bataille pour Caen appelle un déploiement d’envergure d’unités alliées. En effet, dans la nuit du 8 au 9 juin, le 26e régiment de grenadiers SS commandé par Meyer attaque avec un kampfgruppe (groupe de combat) de 900 hommes appuyés par 20 panzers et de nombreux autres véhicules blindés. Le bataillon canadien «Regina rifles» s’y oppose à lui seul -au prix de 90 pertes- et met en déroute les Allemands qui subissent 150 pertes et laissent sur le terrain cinq char Panther. Le lendemain matin, une compagnie de 12 Panther contre-attaque à nouveau sur le front du bataillon «Regina rifles». Mais les 9 Sherman qui soutiennent le bataillon canadien détruisent 9 Panther et les 5 autres sont contraints de se replier. Les attaques allemandes dans ce secteur, ont pour but de reprendre la gare de Norrey sur la ligne Bayeux-Caen.

Dans la journée du 9 juin, les Britanniques cherchent à reprendre l’initiative, mais sans succès; un bataillon irlandais de la 185e brigade (3e DI britannique) lance une attaque sur Cambes après une préparation d’artillerie. Mais les canons des Churchill et des Sherman sont trop courts pour atteindre les Panzer IV et les mortiers retranchés à la Bijude : un feu nourri s’abat sur l’unité britannique lorsqu’elle tente de pénétrer dans le bois de Cambes. L’attaque échoue et les grenadiers SS construisent des abris plus profonds pour résister aux bombardements alliés le lendemain de l’attaque britannique. Seul succès notable de l’a journée pour les Britanniques : le QG du Panzergruppe West est détruit par bombardement aérien et son commandant, le baron Geyr Von Schwepenburg est tué avec la plupart de son Etat-major. Néanmoins, ni la RAF, ni la Navy ne parviennent à empêcher les unités allemandes de transiter vers le front par Caen, en dépit de sa proximité. Evènement plus impressionnant que stratégique, un obus de 406mm du Rodney fait écrouler la flèche de l’église St Pierre sur sa nef le 9 juin.

Quelques succès mais une progression lente et coûteuse
La menace sur la fragile tête de pont alliée est toujours forte, même si les troupes anglo-canadiennes résistent bien aux coups de boutoir allemands, mais sans pourvoir progresser rapidement ni prendre véritablement l’avantage dans toute la région de Caen. Leur avancée est donc lente et coûteuse. Le 10 juin, la 346e DI allemande contre-attaque la 6e airborne à Bréville. L’assaut est brisé, les Britanniques font 100 prisonniers et les Sherman poursuivent le reste des troupes allemandes. Le 11, la 8e brigade (3e DI canadienne) attaque à partir de Norrey, au nord-ouest de Caen mais se heurte, à une violente résistance. Des éléments du 26e régiment de grenadiers (12e pz SS) résistent à l’est de la poussée et le 12e régiment au sud. Les Sherman sont immédiatement suivis par l’infanterie mais les Panzer IV basé au Mesnil-Patry (objectif de l’attaque) les repoussent. Les éléments canadiens qui ont réussi à pénétrer dans le village sans soutien des chars, sont contraints de se replier et l’attaque prend fin vers 17h00.
D’autres éléments de la 8e brigade se lancent en même temps à partir de la voie de chemin de fer Caen-Bayeux sur Rots, à l’ouest du Mesnil. Mais ils tombent dans une embuscade de chars Panther du 12e régiment SS (12e division pz SS). Quelques Sherman sont détruits mais les commandos qui mènent l’attaque arrivent à libérer le village dans la soirée et attendent la relève du régiment de la Chaudière de la 3e DI canadienne.
Simultanément, la 51e DI écossaise prend le village de Touffréville à l’est de l’Orne mais une forte résistance l’empêche d’atteindre Bréville. Ce n’est que le lendemain que Bréville est enfin enlevée par la 3e brigade parachutiste de la 6e airborne à la 346e DI allemande, au prix de très lourdes pertes.

Le 12 juin, Caen est inutilement bombardée par la marine et l’aviation pour tenter de détruire à nouveau les ponts sur l’Orne. Ces bombardements n’atteignent une fois de plus aucun pont mais causent 70 morts parmi les civils. Le 13, la périphérie de Caen voit tous ses habitants évacués vers l’îlot sanitaire de St Etienne et l’arrière. Le front reste stable.

Le 14 juin, le PC de la 12e Pz SS est détruit et son général est tué. Kurt Meyer, commandant du 26e régiment de grenadiers SS, prend le commandement de la division. A l’est de l’Orne, la 51e DI écossaise s’enterre dans le bois de Bavent devant Troarn et à la sortie de Bréville pour adopter une attitude « défensive agressive », selon les ordres de Montgomery qui espère d’abord prendre Caen et percer vers le Sud avant d’attaquer à l’Est.

Des rapports de forces de plus en plus déséquilibrés
Montgomery se livre en effet à une guerre d’usure pendant les phases d’élargissement et de consolidation, faute d’arriver à ébranle la défense allemande. Il faut préciser qu’à la fin du mois de juin, Montgomery a attiré sur la IIe armée britannique 8 divisions panzer sur 10 stationnant en France, privant les Allemands d’une défense puissante du côté américain. L’«effet aimant» fonctionne mais au prix d’une grande pression anglo-canadienne -et donc de lourdes pertes- sur l’armée allemande, comme l’illustre la série d’attaques du 11 juin. Pourtant, cette pression affaiblit terriblement le Panzergruppe West : du 6 au 17 juin, la 12e panzer SS perd 1420 soldats sans aucun remplacement. De plus, cela ne montre que le début d’un déficit structurel grandissant en renforts et en munitions côté allemand. De fait, les rapports de force anglo-canadiens/allemands sont alors encore assez équilibrés : le 18 juin, le 21e groupe d’armées dispose de 20 divisions débarquées contre 18 allemandes (incomplètes de surcroît). Le front se réduit avec l’arrivée de la panzer « Lehr » sur le flanc ouest de la 12e Pz SS et c’est ce qui permet à cette dernière d’opposer une vive résistance dès les premiers jours de la bataille pour Caen.
Par contraste à des rapports de forces équilibrés sur terre, les alliés bénéficient d’un fort soutien de la Royal Navy dans un rayon de 22 km dans les terres. Il est assuré par des destroyers, le croiseur Rodney, le Warspite et le Ramillies qui disposent d’une puissance de feu gigantesque capable de désorganiser une attaque entière. Les Britanniques ne se privent pas d’utiliser cet atout lors d’opérations ponctuelles, mais aussi pour affaiblir régulièrement le front allemand. La suprématie aérienne des alliés contribue également à faire plier les Allemands pendant cette bataille, et se renforce même avec la construction d’aérodromes en Normandie, entamée quelques jours après le débarquement.

La fin de l’élargissement de la tête de pont
Le front reste stable et la tête de pont ne s’élargit presque plus dans le secteur anglo-canadien, ce qui n’empêche pas un certain nombre d’événements localisés : le 17 juin, la station-radar allemande de Douvres qui résiste aux Alliés depuis le 6 juin, capitule. Les hommes de la 49e DI britannique, aux prises avec le 26e régiment de la 12e Pz SS à l’ouest de Caen, exécutent 11 prisonniers SS allemands en représailles aux exécutions de prisonniers canadiens par des grenadiers de la 12e Pz SS. D’un côté comme de l’autre, les commandements des divisions répriment ces pratiques, avec plus ou moins de succès. Mais cela marque un durcissement de la bataille qui ne fait que s’accentuer jusqu’à la fin de la bataille de Normandie. Enfin le 19 juin, 18 soldats écossais de la 51e DI s’infiltrent dans les lignes allemandes en jetant la plus totale confusion. Ils rapportent, au prix de deux blessés, de précieuses informations concernant les lignes allemandes dans le secteur de la Folie et en profitent pour «nettoyer» quelques positions enterrées. La Bataille dans la campagne de Caen ne fait que commencer.

Côté américain
Sur le secteur d’Omaha, les Américains, la redoutable défense côtière enfin percée, opérent des avancées significatives. A J+2 au soir (le 8 juin), les 1ère er 29e DI américaines débarquées sur Omaha Beach avancent de 10 km vers l’intérieur des terres et font la jonction avec les Britanniques de Gold à Port-en-Bessin et à l’Ouest de Bayeux. En effet, la résistance de la 352e DI allemande a faiblit car la division ne reçoit plus de renforts. Le 9 juin, le 5e corps US du général L.T Gerow continue sa progression rapide et prend Isigny puis la forêt de Cerisy le lendemain, faisant aussi la jonction avec la 101e division parachutiste.

Les deux têtes de pont de la 1ère armée américaine- celles d’Omaha et d’Utah- sont donc jointes ; Bradley décide donc, suivant le plan d’Overlord, de couper la pointe du Cotentin pour y enfermer les divisions allemandes qui la tiennent. Aussi la 101e DP s’élance sur Carentan qu’elle prend à la 91e DP allemande le 12 juin, après de durs combats. Cette division allemande bien entraînée et à la moyenne d’âge très peu élevée est celle qui oppose le plus de résistance à la poussée américaine pour libérer la presqu’île.
Les jours suivants, Carentan subit une contre-attaque de la 91e DP allemande, mais la 101e PD américaine parvient à l’arrêter. La 4e DI, bloquée devant Montebourg depuis plusieurs jours, contourne la petite ville par l’Ouest et se dirige vers Barneville, avec pour mission de verrouiller la presqu’île. La 90e DI fraîchement débarquée et inexpérimentée est arrêtée à Pont-l’abbé: devant le bourg la division piétine et perd 150 hommes par jour. La 82e DP US vient lui porter secours: bientôt, Pont-l’Abbé et St Sauveur-le-Vicomte tombent. Pendant que les 90e DI et 82e DP montent difficilement vers Cherbourg, la 4e DI poursuit une course à la mer qui s’achève à Barneville-Carteret, le 18 juin. Enfin, la presqu’île du Cotentin est coupée. A l’intérieur, 40 000 hommes des 77e, 243e, 91e et 709e divisions allemandes sont pris au piège. Pourtant, des éléments des 77e DI et 91e DP allemandes ne cessent de s’infiltrer vers le sud, à travers les lignes américaines encore éparses à l’Ouest du Cotentin. C’est alors que Rommel applique le plan « Heinrich », le repli général vers la forteresse de Cherbourg, les 18 et 19 juin. Il fait disposer les restes des quatre divisions en arc de cercle sur les hauteurs de la ville.

La brèche est encore large de 25 km, aussi les Alliés craignent de ne pas pouvoir empêcher la fuite des Allemands vers l’est. Parallèlement à la manœuvre d’encerclement, les corps d’armée alliés doivent faire pression pour éviter que les Allemands « décrochent » du front pour se ruer vers la brèche. Ainsi, le 5e corps US attaque vers Tinchebray et le 19e corps US vers Flers, le 12 août.

colis

Malgré le mauvais état du terrain qui gêne la progression, le 5e corps US entre le 15 août dans Tinchebray. Il s’y arrête et, ayant perdu le contact avec l’ennemi en fuite, comptabilise un total décevant de 1 200 prisonniers allemands. Le 19e corps US attaque de Sourdeval vers le sud, les 13 et 14 août. Il est renforcé par la 2e DB américaine et la 30e DI détachés du 7ecorps. Le 19e corps prend rapidement Domfront, faiblement gardé par les Allemands. Le 15 août, il prend contact avec le 8e corps d’armée britannique à l’Ouest de Flers. En effet, le front se réduisant en même temps que la poche, les troupes du 8e corps ont traversé la limite des deux groupes d’armées, passant devant le 5e corps US dans leur descente vers le sud.

Le 7e corps US, gardant la 4e DI en réserve, se met en mouvement le 13 août avec ses 35e, 9e et 1ère DI et la 3e DB rassemblée. Le premier jour de l’attaque, Collins fait charger son corps sur 30 km à partir de Mayenne. Ses troupes se heurtent ensuite à une forte résistance sur tout le front du corps qui l’oblige à s’arrêter. Trois jours plus tard, le corps a fait 3 000 prisonniers et a détruit une forte quantité de matériel allemand. Le 8e corps britannique continue son avancée vers le sud et prend contact le 17 août avec le 7e corps US. Patton engage quant à lui le 20e corps US à la droite du 15e et les lance à partir du 13 août sur la ligne Argentan-Sée.

La situation devient très fluctuante dès le 14 août, car de nombreuses unités se déplacent et passent sous la direction de corps d’armées différents : la confusion est à son comble chez les Alliés. Les décisions ne parviennent pas à suivre les évènements et seuls des ordres déjà périmés arrivent jusqu’aux unités.

Les Allemands, eux cherchent à gagner du temps ; les unités de la 7e armée allemande obligent les Alliés à de grands déploiements en formant un noyau de résistance, puis elles se retirent vers une autre position et recommencent le même manège. Cela n’empêche pas les effectifs des deux armées allemandes de se réduire à vue d’œil. Kluge, qui souhaite un repli, finit par obtenir satisfaction auprès d’Hitler : il l’autorise à traverser l’Orne puis la Dives. Le 16 août au soir les Allemands commencent à s’extraire de la poche.

Du côté américain, le 15e corps se scinde en deux : les 90e et 80e DI et la 2e DB française restent devant Alençon, pendant que la 79e DI et la 5e DB sont envoyées vers la Seine. Seuls deux corps de la 5e armée panzer tiennent 112 km de front devant Paris : ce vide relatif se présente aux Américains comme une chance d’atteindre les positions finales fixées par Overlord. De plus, Bradley pense que ces deux divisions n’auraient pas beaucoup d’importance en bas de la mâchoire de la poche, car la 3e armée américaine ne fait alors qu’attendre une avancée britannique. Enfin, il croit que les Allemands se sont déjà extraits en grand nombre de la poche. C’est alors que Montgomery propose une jonction américano-canadienne près de Chambois et Trun. Bradley accepte. Le 16 août, un peu après minuit , le 15e corps US charge vers le nord. La retraite allemande commence la même nuit : le 2e corps parachutiste et le 84e corps (7e armée) doivent couvrir la retraite de la 5e armée panzer.

Complétant le mouvement américain, Crerar reçoit l’ordre le 17 août de faire avancer ses deux DB, la 1ère DB polonaise et la 4e DB canadienne, pour fermer la poche à Chambois et Trun. Les divisions brisent la ligne de front du 1er corps panzer, très faible, progressent parallèlement à la Dives et arrivent à moins de 4 km de Trun. Une autre pénétration au Sud-Est de Falaise oblige la 7e armée allemande à accélérer son retrait.

Le 18 août, Model remplace Kluge à la tête du groupe d’armées B. Von Kluge, limogé, se suicide dans l’avion qui le ramène en Allemagne, le 18 août, et laisse une lettre demandant au Führer de mettre fin à la guerre. Model a pour projet d’extraire ses forces le plus vite possible de la poche, puis de reformer un nouveau front sur la Touques, rivière à l’est de la Dives. Les forces à extraire de cette poche refermée au trois quarts sont la 7e armée (de P.Hausser) et les restes du panzergruppe west réunis en 5e armée panzer (Bittrich).

La 4e DI canadienne prend Trun le 18 août, alors que les Britanniques chargent vers l’intérieur de la poche. Au même moment, les Américains menacent sérieusement Chambois. Les deux principales routes d’évasion qui restent sont bloquées. Les 80e et 90e DI du 15e corps ’ dont Gerow vient de prendre le commandement- tentent de couper totalement la route Trun-Chambois, mais seule la 90e DI réussit à déborder la défense allemande et à atteindre la route. De la nuit du 18 à la fin de celle du 19 août, l’artillerie alliée pilonne l’ensemble de la poche.

Le 19 août, les Allemands préparent une contre-attaque contre les lignes à l’est de la poche, secteur que tiennent les Polonais de la 1ère DB, pour de permettre aux autres unités de sortir de la poche. Les éléments de tête de la 90e DI arrivent dans Chambois tard dans l’après-midi. Ils y font la jonction avec les éléments blindés de tête de la 1ère DB polonaise. Mais les premiers éléments polonais sont coupés de leur division par de petites attaques allemandes ; en réalité, les Canadiens n’ont pas encore les moyens de bien défendre la ligne Trun-Chambois. La nuit du 19 août, le 2e corps parachutiste allemand commandé par Meindl attaque les positions polonaise du Mont Ormel (voir carte). Meindl réussit à sortir de la poche avec un petit groupe de parachutistes et le général Hausser, chef de la 7e armée.

Le 2e corps panzer SS vient en renfort et contre-attaque la 1ère DB polonaise à partir de 10h30 le 20 août. Malgré de nombreuses pertes polonaises, la division tient bon, y compris sur les hauteurs du Mont Ormel. Les troupes qui le défendent restent encerclés sur un îlot, au milieu du flot d’Allemands qui se ruent vers l’extérieur de la poche. Placée dans le secteur le plus rude, la 1ère DB polonaise ne compte plus que 1 500 combattants valides à la fin de la bataille de Normandie. Pour les Allemands, le repli est marqué par des bombardements incessants, de gigantesques embouteillages de matériel vite détruit par les artilleurs et les chasseur-bombardiers alliés. La démoralisation des troupes allemandes a un effet d’accélération de la défaite, pourtant les soldats allemands combattent avec la force du désespoir pour maintenir la brèche ouverte. Le 47e corps panzer SS de Funck a également reçu l’ordre de percer les lignes américaines à l’Est, pour dégager un passage. Il attaque le 20 août au matin, mais ne réussit que partiellement à passer avant que la brèche ne se referme. Les soldats allemands continuent à s’infiltrer par petits groupes dans le secteur allant de Trun à Chambois malgré l’acharnement et la vigilance des Alliés. Le soir du 20 août, la bataille de la poche de Falaise est finie.

Le 21 août après les dernières redditions à Tournai, le carnage prend fin. Sur 23 divisions allemandes engagées dans la bataille, 19 restent prisonnières dans la poche et quatre tentent de reformer un front de l’autre côté de la Touques. Ces divisions sont parfois réduites jusqu’au dixième de leurs effectifs. On estime qu’entre 20 000 et 40 000 Allemands ont réussi à sortir de la poche. 50 000 Allemands y ont été capturés, la moitié par les Américains et l’autre moitié par les Anglo-Canadiens. La majeure partie de l’armement lourd est resté à l’intérieur de la poche. Côté allemand, le bilan de la poche est très lourd :
- 10 000 soldats tués
- 1800 chevaux tués
- 220 chars détruits
- 160 pièces d’artilleries automotrices perdues
- 700 pièces d’artillerie remorquée perdues
- 130 canons de DCA perdus
- 130 autochenilles détruites ou abandonnées
- 5000 véhicules à moteur perdus
- 2000 chariots détruits
Les Allemands laissent en Normandie 200 000 tués et disparus, 250 000 prisonniers, 1 500 chars, 2 000 canons et 20 000 véhicules.

Les Alliés pouvaient connaître la configuration du terrain grâce à l’aide de civil français qui s’étaient regroupés spontanément pour résister à l’occupant. Ce mouvement de résistance est né après l’appel du général de Gaulle le 18 juin 1940 à la BBC. C’était une réunification de deux mouvements de rébellion : les FFI (Forces françaises Libres) plut ôt issus du front populaire et les FTP (Francs Tireurs Partisans) communistes.

Mais pour unifier ces deux mouvements, il fallut que Jean Moulin, parachuté en France sur les ordres du général de Gaulle, fasse valoir ses qualités de diplomate. Il créa le CNR, Comité National de la Résistance qui coordonna les actions des résistants en France. Moulin était préfet à Chartres. Un cloisonnement existait entre tous les petits groupes de résistants pour éviter un démantèlement du réseau ; ils ne devaient connaître que les membres de leur groupe.

Les résistants agissaient par petits groupes : ils sabotaient les lignes téléphoniques, faisaient sauter les voies de chemin de fer ou les ponts, transmettaient des documents secrets à Londres, renseignant ainsi les alliés sur l’état des troupes allemandes et leurs positions, mais ils recueillaient aussi les aviateurs malchanceux pour les renvoyer en Angleterre et parfois cachaient les juifs. « L’armée de l’ombre » (comme certains historiens l’ont appelé après la guerre) recevait ses ordres de Londres par la BBC en messages codés pour que les Allemands ne sachent ni à qui ils étaient adressés ni à quoi ils correspondaient. Des maquis de résistants se créèrent : des groupes importants se cachaient à l’intérieur de forêts ou sur des plateaux montagneux pour tenter des actions de grande envergure sur les troupes allemandes. Le Vercors, le maquis breton, par exemple, se sont fait remarquer par des actions d’éclat. Des « Sten » (pistolets-mitrailleur anglais) ont été parachutée en grand nombre par les Britanniques la nuit ; elles étaient souvent accompagnées de vivres, de matériel en tout genre : émetteurs-récepteurs, lampes, autres armes, explosifs, rations de combat, bouteilles d’alcool et très souvent des cigarettes. Les Anglais ne se rendaient pas compte des besoins des résistants et ne savaient pas forcément où les vivres devaient être parachutés car certains groupes ne les avaient pas contactés. Ainsi, au début de la guerre de nombreux groupes de résistants sans attaches avec quelque autorité que ce soit étaient souvent délaissés mais il n’en était pas de même de la situation à la fin de la guerre où tous les groupes étaient organisés. Environ 10 000 résistants furent tués, fusillés ou tombé dans les combats avec les Allemands.

500 résistants prêts à agir début juin. Le 1er juin 1944, les résistants reçurent un message d’alerte : « l’heure des combats viendra » qui signifiait qu’il y aurait un débarquement dans les quinze jours ; puis il eut un autre message le lendemain : « Les sanglots longs de l’automne’ » indiquait un débarquement imminent. Le 5 juin, les résistants reçurent un appel complémentaire au premier : « ’ bercent mon c’ur d’une langueur monotone. » ( 2e vers d’une célèbre poésie de Verlaine) confirmant un débarquement le 6. Puis vinrent les messages aux normands : « Les chants désespérés sont les chants les plus beaux » donne l’ordre de saboter toutes les lignes téléphoniques ; c’est le plan violet. « Les dés sont sur le tapis » donne l’ordre de saboter les voies ferrées : c’est le plan vert. Le 7 juin : « Il fait chaud à Suez » demande de déclencher une guérilla dans laquelle les Allemands exécutèrent 110 prisonniers de la résistance française. Les opérations furent exécutées avec efficacité ce qui gêna considérablement les mouvements des allemands. Au cours de la bataille de Normandie, les résistants servirent de guides aux alliés et facilitèrent leurs opérations.